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NOUS VOUS INVITONS À DÉCOUVRIR DEUX
    NOUVELLES LITTÉRAIRES ORIGINALES ET SUR-
     PRENANTES ÉCRITES PAR DES ÉLÈVES DE 4E
     SECONDAIRE DANS LE CADRE DE LEUR COUR
     DE FRANÇAIS AVEC MME ANGÈLE TURCOTTE.

                          ANYA                                 rant un instant silencieux, avant que tout ne reparte à une vitesse vertigi-
                                                               neuse et que mon crâne ne percute brutalement le volant. J’ai l’impression
                                                               que ma tête explose en mille morceaux, puis plus rien. Quand je reprends
                   par  Maude Demouy-Girard                    conscience, mon crâne bourdonne comme une ruche et je réussis difficile-
                                                               ment à nouer deux réflexions à la suite. Je n’ai pas envie de faire quoi que
                                                               ce soit, juste rester là et dormir tel un loir, attendant doucement la mort.
   Si l’on m’avait dit, quelques années plus tôt que je serais un jour aussi   L’audition me revient malicieusement et le bruit de l’alarme me fait soudain
   fébrile de quitter Copenhague pour aller me terrer au fond des bois, je   réaliser que je devrais me secouer un peu. Le souvenir, plus net même
   n’y aurais pas cru. Et pourtant, me voilà, moi d’ordinaire si blasé, excité   que la réalité, du sourire qui illumine mes jours m’emplit d’une détermina-
   comme un enfant le soir de Noël. Je roule depuis maintenant plusieurs   tion nouvelle. Je m’efforce de bouger jusqu’à parvenir à redresser mon
   heures, la radio à fond, à travers un voile de neige. La nuit tombe douce-  torse, puis j’entreprends de déplacer mes jambes afin de m’extraire de la
   ment et j’ai encore plus envie d’arriver à destination lorsque je reçois un   voiture à tout prix. J’appuie tout mon poids sur la portière, m’échoue sur le
   appel. Déchiffrant le nom du contact, j’esquisse un sourire béat en répon-  sol enneigé quand celle-ci cède finalement.
   dant joyeusement :
                                                               J’ai l’impression que cela fait des heures que je marche tant bien que mal
   -Allô ?                                                     dans les flocons. Je suis frigorifié, épuisé et de plus en plus désillusion-
                                                               né. Mon corps est traversé de vagues de souffrance et de tremblements
   -Comment se fait-il que tu ne sois pas encore arrivé ? Ne me dis pas tu   irrépressibles. L’espoir m’a abandonné depuis un moment déjà et je ne
   t’es perdu ?                                                sais plus vraiment pourquoi j’avance encore. À bout de force, je m’écroule
                                                               dans la neige moelleuse et je repense avec regret à tout ce que je n’ai pas
   -Arrête de t’inquiéter, il ne me reste que quelques kilomètres. Je te laisse,   eu l’occasion de faire. Dans un ultime effort, je pêche le petit coffret de
   je suis presque arrivé. À tout de suite !                   velours au fond de ma poche et laisse aller un toussotement, l’ombre d’un
                                                               rire amer. Je ferme pour la dernière fois les yeux et laisse mes pensées
   Je détache mes yeux de la route durant un instant, afin de raccrocher,   dériver vers elle, Anja, songeant avec effroi à la peine que ma disparition
   fredonnant gaiement. Au moment où je relève la tête, je croise le regard   lui causera.
   d’une biche qui s’est arrêtée devant ma voiture en marche, une biche aux
   grands yeux bruns et doux, comme ceux d’Anja. Dans un réflexe désespé-  Dans le silence révérencieux d’une route de campagne danoise, une mi-
   ré, je donne un coup de volant en enfonçant la pédale de frein. Les pneus   nuscule boîte heurte l’asphalte gelé, laissant lui échapper un délicat an-
   de ma petite voiture noire crissent et dérapent sur la mince couche de   neau doré. Le vent glacial effleure un visage reposant sur la neige alors
   glace fourbe qui couvre la chaussée. Incapable de reprendre le contrôle   que les dernières lueurs du jour s’éclipsent derrière les montagnes. Dis-
   du véhicule, je me cramponne à mon siège, terrifié, alors que mon auto   simulé par les quelques arbres bordant le chemin se devine un chalet où,
   quitte la route et fonce vers un des arbres logeant la route.  assise devant un café froid depuis longtemps, une femme attend avec
                                                               inquiétude.
   Impact.
                                                                                                           Anya.
   Le choc traverse mon être et le monde semble fonctionner au ralenti du-
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